Pvt Thomas McAvoy – S-2 Intelligence Section – 3/517 PIR – Airborne

Avec la participation de Gennaker


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Thomas McAvoy

S-2 Intelligence section

3rd Battalion – 517th PIR

« J’étais dans la S-2 Intelligence section de 3/517 sous les ordres du S-2 officer Captain Al Deering. La S-2 section était en sureffectifs car Deering avait prévu de perdre beaucoup d’hommes durant l’entrainement et la jumpschool.
Mais ce ne fut pas le cas.

Avant de quitter Camp Mackall NC, Deering a du réduire l’effectif de la section selon le TO de l’US Army.

J’ai donc reçu une mission spéciale qui consistait à encadrer une équipe de 10 hommes envoyés de nos compagnies de ligne afin qu’ils s’occupents des quartiers des officiers: Nettoyage des quartiers, refaire les lits, et alimenter en bois les poeles servant a chauffer l’eau des latrines des officiers.

J’avais droit a 3 repas par jour pour mes efforts.

De la bonne nourriture qui n’avait rien à voir avec celle que l’on servait à la troupe.

L’officier du mess m’a même promis des grades de T/4 Sgt mais ça n’est jamais arrivé.

L’officier de garde m’a demandé quelques jours plus tard si, s’il me donnait 20 $ pour des tickets de rationnement d’essence, plus 20 $ pour moi et 6 $ du trajet de bus, je pourrai trouver un endroit qui vendait des tickets de rationnement d’essence. Il m’a aussi donné une perm’ pour aller à Charlotte, Caroline du Nord pour essayer de trouver un contact.

J’ai réfléchi et je me suis dit qu’une petite station service discount était ma meilleure chance et que je pourrai m’arrêter à la première sur mon chemin. L’employé à qui je m’adressai répondit:

– « Bien sûr! combien en voulez vous? »

Je demandai le prix et il me dit 20$ pour 20 timbres de 5 gallons. Je les ai acheté et suis retourné au camp où l’officier était ravi.

Il me donna immédiatement 40 $ pour la course du lendemain et l’équivalent de 200 gallons en timbres mais il n’augmenta pas ma commission pour cette course. A mon retour le jour suivant, l’officier augmenta encore les quantités; il voulait en avoir pour 400 gallons cette fois! Ceci se passait durant un week end et mon contact venait d’être appelé à l’armée!
J’ai demandé si quelqu’un savait où il trouvait ces timbres et on me dit qu’il les achetait au shériff!

Je vais au tribunal et demande le shériff. On me conduit à son bureau et on me demande d’attendre quelques minutes. Le shériff apparait et pose son .44 devant moi, le canon pointé vers moi; « Que puis je faire pour toi mon gars? » Je lui dis que je voulais acheter des timbres…

Le Shériff me demande combien j’en veux et je lui demande à quel prix ils sont. Il me demande combien son agent me faisait payer. Je vis là l’opportunité de me faire un peu d’argent et je dis un chiffre un peu au hasard, 12,50 $ pour 100 gallons.
Le shériff dit « Putain, vous devez être très bon pote avec lui car c’était le prix qu’il les lui payait. Ce qui se passait est que le shériff possédait une flotte de taxis et quelques stations services, et il avait imprimé des timbres de rationnement d’essence pour ses chauffeurs de taxis. Ces timbres n’étaient valables que dans ses stations services ; il revendait les timbres de rationnement qu’il recevait du gouvernement. Ce petit marché fut brusquement interrompu par Dieu sait qui au début de la semaine suivante. je pense que c’est par un ancien agent du FBI qui était dans notre unité et qui avait entendu parler de tout ce traffic avec les timbres de rationnement d’essence. Seuls les officiers avaient assez d’argent pour se payer une bagnole. L’ordre fut donné dârrêter toute cette affaire.

Operation Dragoon

J’ai sauté en France avec HQ du 3ème bataillon, S-2 section. Dans mon avion se trouvaient le CO du bataillon, Lt Col Melvin Zais (premier à sauter de l’avion), en second se trouvait le Médecin chirurgien du régiment le Major Paul Vella, en 3 était le 1st Lieutenant John Neiler et les autres, je n’ai jamais su…
Ma place dans l’avion était troisième à partir de la fin. On a eu le désagrément d’avoir un navigateur ivre dans l’avion et on était très soucieux de son boulot dans la sarabande des 145 avions qui volaient en même temps que nous vers la France. Ceci s’est passé sans incident, mais le reste du voyage laissait beaucoup plus à désirer. Le commandant de bord nous a fait savoir par l »intercom du bord que nous devions voler à 50 pieds au dessus de la surface de la méditerranée pour éviter les radars allemands en allant sauter sur la France à 4 heures du matin. On a su tout de suit que nous arrivions sur les côtes de France quand le pilote a brutalement repris de l’altitude pour monter à la bonne altitude de saut. On a reçu le signal d’avertissement (stand up and hook up) mais après de longues minutes, il devint évident que quelque chose n’allait pas car la lumière verte ne s’allumait pas. Elle s’est finalement allumée et on a tous quitté l’appareil, attérissant 30 miles derrière les lignes ennemies.

Il faisait très sombre et je ne voyais pas où j’attérissais et si l’endroit était dégagé. Mon parachute a commencé à oscilller et au premier fort balancement, j’ai heurté un rocher. J’ai attérit violemment sur ce rocher qui dépassait (me cassant le dos en 5 endroits). Bien sûr, je n’avais pas conscience de la gravité de ma blessure, jusqu’à ce que je sois conduit dans un hôpital de l’armée 6 jours plus tard. mais j’étais au comble de la douleur et je me demandais si je serai capable de m’en tirer tant j’avais mal. Il me fallait me débarrasser de mon harnais, ce que j’ai péniblement réussi à faire. il m’a fallu ensuite assembler mon M1 qui était dans un sac en toile, et y placer un clip de munitions dans la chambre.

J’ai essayé de me lever mais mes jambes n’obéissaient plus. J’ai pensé que je pourrais peut être m’appuyer sur mon fusil pour essayer de me redresser. J’ai placé la crosse de mon fusil au sol en tenant le canon à un angle de 45 degrés, et j’ai poussé pour placer mes jambes sous mon corps pour me redresser.
Ca a marché mais je ne rendais pas encore compte de la gravité de ma blessure.

Le jour commençait à se lever à ce moment là et je voyais jusqu’à une quinzaine de mètres.
J’aperçus un soldat, qui me vit aussi et me demanda le mot de passe, auquel je devais répondre immédiatement sous peine de me faire descendre.

Avant le saut le saut, nous avions été mis au repos et un orchestre américain jouait sans discontinuer (on nous disait que le son venait directement des USA) et nom de Dieu, vers 14 heures chaque jour, une femme de la propagande de Berlin (on l’appelait Berlin Sally/Axis Sally), interrompait la musique et nous disait clairement:

« Bienvenue au 517 Parachute Infantry – Qu’est ce que vous les américains faites ici en Europe à mettre votre nez là où ne sont pas vos affaires? Et bien, il va nous falloir tous vous tuer. D’ailleurs, votre mot de passe pour ce soir est « Garbage », et la réponse « Truck ».

« Mon Dieu! C’était trois heures avant que nous mêmes recevions cette information! Et c’est l’ennemi qui nous la donnait! Je me disais, à quoi bon avoir des mots de passe si l’ennemi les reçoit avant nous! A partir de ce moment je n’a plus jamais fait attention aux mots de passe…

Mais maintenant j’en avais absolument besoin!

J’ai vite réfléchi et je me suis dit que si je criais à ce soldat que je suis blessé et s’il ne me tire pas dessus, il saura que je suis un compatriote américain et ne me descendra pas.

Ca a tellement bien marché que ce gars a même reconnu ma voix et m’a appelé par mon nom:

– « C’est toi Tom? »

J’ai dit « Oui! Je suis salement blessé! »

Il m’a dit : « Tom, tu es au combat, tu ne peux pas être blessé! Descend nous rejoindre! »

J’ai reconnu la voix du 1st Lt John Neiler en charge du S-2 du 3ème bataillon; mon supérieur immédiat.

Le sol était en terrasse et j’étais au dessus du Lt Neiler. Je crois qu’il y avait environ deux mètres à sauter pour rejoindre le niveau du dessous et je n’étais même pas sûr de pouvoir marcher car mes jambes ne parvenaient même pas à me tenir droit.

Je me suis mis à quatre pattes et j’ai rampé jusqu’en face de Neiler. Je mesure 1,76 m et il me fallait sauter deux mètres pour arriver à son niveau.

J’essayais de m’accrocher à ce que je pouvais pour m’aider à descendre. je suis passer par dessus et j’ai réalisé que je n’avais aucune force dans mes bras pour me retenir et m’empêcher de tomber trop vite.

Mon Dieu, je suis tombé si fort. mes pieds ont touché le sol et on glissé, me précipitant sur mon dos blessé.

Là, j’étais complètement paralysé!

Deux de mes potes parachutistes m’ont pris sous les aisselles et m’ont trainé jusqu’à une ferme à une soixantaine de mètres.

Alors qu’ils m’amenaient a la ferme, je n’arrêtais pas de m’évanouir.

Je me souviens être arrivé dans la cour de la ferme et j’ai à nouveau perdu connaissance.

Lorsque j’ai repris connaissance, j’étais dans un lit d’une chambre à coucher au 2ème étage de la ferme.

J’ai juste eu le temps d’apercevoir le Major Paul Vella à mes côtés avant de perdre à nouveau connaissance.

Je l’ai entendu dire au Lt Col. Zais et au Lieutenant Lt. John Neiler qu’il allait falloir me laisser sur place car personne ne pouvait me porter sur les 30 miles qui nous séparaient de notre DZ.

Le Major Vella annonce que sans rayons X, il ne pouvait pas estimer la gravité de mes blessures. Il m’administre de la morphine et s’en va.

Le Lt Col. Zais entre dans la chambre et me dit:

– « Bon, mon gars, on va devoir te laisser ici, voici ton fusil, défends toi si les Allemand entrent ici… »

Et moi j’étais couché la, paralysé…

Zais sort de la pièce et le Lt Neiler entre à son tour et me dit:

– « Tom, ne soyons pas idiots, cette guerre ne va pas durer pour toujours net il n’y a aucune raison de te faire tuer pour rien. Si les Allemands viennent ici, rends toi ils t’enverront surement à un de leurs hôpitaux et ils te soigneront. Je pense qu’il nous faudra 3-4 jours pour atteindre notre DZ dépendant de la résistance que nous recontrerons en chemin. Le Gliders m’amèenent une jeep. Dès que je reçois ma jeep je reviendrai te chercher ici. Ca sera dans 4 ou 5 jours au plus tard mais je reviendrai te chercher alors ne te fais pas de soucis. »

Le Lt. John Neiler me laisse un « Escape Packet » qui était distribué aux officiers uniquement. Il contenait $20 en Francs Francais, 5 cartes en soie de la région ainsi que de la Suisse et de l’Italie, ainsi qu’un petit lexique Francais-Anglais qui permettait de converser avec n’importe qui.

Lt. John Neiler

Je savais que John tiendrait sa promesse et il est en effet revenu me chercher.

Malheureusement entre temps, la résistance française m’a déplacé et John n’a pas réussi à me trouver.

La première fois que j’ai revu John, c’était à une réunion, 35 ans après la guerre!

On était restés éveillés toute la journée du 14 août et avions voyagé de nuit pour notre saut sur la France.

Il devait être 7 ou 8h du matin le 15 août lorsque le Major Vella ma adminsitré la morphine.

J’ai à nouveau perdu connaissance et ai sombré dans un sommeil bien mérité.

Deux heures plus tard, je sens que quelqu’un essaie de me bouger du lit afin de pouvoir s’asseoir à mes côtés.

Je me réveille et le gars m’annonce qu’il est de la croix-rouge Française.

Il me pose beaucoup de questions sur mon identité et sur le nombre de parachutistes engagés dans cette opération…
Au combat on ne parle pas de détails comme ceux la, à moins d’avoir clairement identifié notre interlocuteur.

Je lui ai dit que je ne savais rien; puis il a commencé à me dire ce qu’il savait sur cette opération.

Mon Dieu! Il en savait tellement plus que moi!

Il a dit qu’il enverrait quelqu’un me chercher pour aller au village le plus proche.

J’ai dit « Hôpital ? »

Il répond « Non, Docteur. »

Il a quitté ma chambre et je me suis rendormi durant quatre heures. Quand je me suis réveillé, un espèce de grand costaud se tenait dans l’embrasure de la porte avec fusil mitrailleur Bren en travers de la poitrine.

Il m’a vu ouvrir les yeux et s’est avancé près du lit pour me parler en prononçant son nom tout en se désignant du doigt, Jean.

J’ai pointé mon doigt sur moi et j’ai dit « Tom ».

Ce sont les seuls mots que nous ayons compris l’un de l’autre. J’ai sorti mon petit lexique et j’ai trouvé la phrase « Emmène moi en ville ».

Il a souri et il a dit « Oui ».

Il m’a pris dans ses bras et on est sorti. Il m’a porté jusqu’à son camion qui ressemblait exactement à un Ford T à part qu’il marchait à la vapeur.

Jean a mis quelques petites bûches dans le foyer et on est parti en pétaradant.

Après 30 à 45 minutes de route, il s’est arrêté à une intersection et il a crié quelque chose en Français.

On lui a répondu (mot de passe), et on nous a laissé continuer. Le village s’appelait Seillans (France) et je pense qu’il devait y avoir environ 400 habitants. On est allé jusqu’au seul bistrot du patelin qui servait aussi de Mairie lorsqu’il se passait quelque chose d’important.

Il y avait une trentaine de personnes devant le bistrot qui criait des trucs comme « Américains! Libération » etc…

Jean a fait le tour du camion pour me sortir et m’a porté dans le bistrot. Il m’a installé à une table et dès lors tous les français voulaient me payer à boire pour célébrer et trinquer à la santé des Américains.

Je pense qu’on les avait prévenu que Jean arrivait avec un américain blessé. Je n’étais pas trop enclins à boire et à trinquer car je souffrais encore beaucoup. J’ai fait signe à Jean que je voulais dormir et il s’est précipité pour me porter à l’étage dans une grande chambre.

Il m’a déposé sur le lit et le docteur est arrivé à ce moment la. Grâce à Dieu, le médecin parlait l’Anglais.

Il m’a dit d’enlever ma chemise et de me tourner sur le ventre.

On a du m’aider pour faire cela car j’étais toujours paralysé. Le docteur a pris une seringue et m’a piqué dans le dos au point de jonction entre mes côtes et ma colonne vertébrale, me demandant si je sentais quelque chose.

J’ai dit oui.

Il poursuit avec la jointure suivante entre côtes et colonne, je lui dis que je ressens quelque chose et il continue ainsi vérifiant chaque connection. Comme j’avais des sensations à chaque point testé, le médecin n’a pas cru que j’étais sérieusement blessé.

Il a mentionné que j’avais reçu un mauvais choc au dos mais qu’en deux ou trois semaines, je serai OK.

C’était une super nouvelle, mais pourquoi le Major Vella (notre Regimental surgeon) avait il dit qu’il lui fallait des radios pour déterminer l’étendue de mes blessures?

Je me suis dit que c’était le pays de ce docteur et que j’espérais qu’il savait de quoi il parlait.

Le médecin répéta à une dizaine de personnes en français dans la pièce ce qu’il venait de me dire en anglais, et que je pourrais marcher.

Quand Jean a entendu cela, il a commencé à danser la carmagnole sur place tant il était heureux.

C’était vraiment comique et je me demandais si je pourrais avoir cette forme en deux ou trois semaines!

Le médecin appela quelqu’un à venir dans la pièce et une jeune fille, Jeannette, pas plus de 16 ans s’avance…
C’est une élève en classe de première et elle parle un peu l’Anglais.

Le docteur lui dit qu’elle doit me masser le dos toutes les trois heures (très très important!) quand je ne dors pas.
Elle doit aussi m’apporter tous mes repas au lit, et que quelqu’un doit m’accompagner chaque fois que je vais aux toilettes pour éviter que je ne tombe. La mère de Jeannette vit avec elle dans un appartement adjacent.

Leo, le père de Jeannette, possède le bistrot au rez de chaussée. La mère de Jeannette demande à sa fille de me demander si elle pouvait faire monter quelques personnes pour me voir…

Les gens du village n’avaient jamais vu de parachutiste américain auparavant. J’ai dit que cela ne me dérangeait pas. Elle leur dit de monter et voilà que 15 à 18 personnes envahissent ma chambre et entourent mon lit!

Certains posent un fruit sur mon lit… Une pomme, une banane, une orange…

Puis la mère les fait descendre et remonte avec d’autres gens. Après le 4ème voyage, elle décide que cela suffit.

Puis Jeannette me dit qu’elle a trois copines d’école et qu’elle aimerait me les présenter…

Jeannette est remontée avec ses trois copines d’école. J’avais à présent une interprète et trois filles qui s’occupaient bien de moi et m’amenaient mes repas; que demander de plus ?

Jeannette m’a donné mon premier massage, et je me suis endormi durant environ 4 heures.

Puis deux Français sont montés dans ma chambre…
Mes vêtements étaient étalés sur une chaise près du lit; ils les ont ramassé pour les poser vers moi. Ils ont prononcé le seul mot qu’on leur avait demandé de dire en anglais: « Hurry! » (Vite!).
Mais pourquoi « Vite »?
J’ai appelé Jeannette pour qu’elle leur demande ce qui se passe.
Elle arrive comme si elle attendait que je fasse appel à elle. Je lui dis ce qui venait de se passer et elle les interroge en Français.
Ils répondent que les Allemands sont revenus dans le village et qu’il ne fallait pas qu’ils me trouvent ici. Des villageois seraient probablement tués pour m’avoir hébergé. Cette réponse me satisfait et je leur demande de m’aider à m’habiller.
Ils se sont mis de chaque côté de moi et m’ont à moitié porté dans l’escalier vers le camion qui attendait en bas.

On a descendu la rue et on a pris la première à gauche dans une allée que l’on a remontée jusqu’à une grande grange noire.
On s’est arrêté là et ils m’ont porté jusque dans la grange. ils m’ont aidé à monté dans le grenier, un gars me poussant par en dessous, et l’autre me tirant dans la soupente. Jeannentte m’avait précisé avant de quitter le bistrot que j’allais passer la nuit dans ce grenier et que si tout allait bien le lendemain matin, ils viendraient me rechercher.

En aout, dans le sud de la France, la température chute la nuit jusque dans les 4 ou 5 degrés, et je me suis vraiment gelé là dedans. J’avais juste mes vêtements, mais ni couverture ni manteau. 6 heures du matin n’est pas arrivé trop tôt! L’heure est finalement venue et ils sont arrivés pour me chercher et me ramener au bistrot. Jeannette se tenait là, avec un petit déjeuner fumant. Mon Dieu, que cela avait l’air bon!
J’ai finalement arrêté de claquer des dents et me suis rechauffé. J’ai demandé des nouvelles des Allemands et Jeannette m’a dit qu’il y avait eu des échanges de coups de feu avec les américains et qu’ils étaient tous en route pour un hopital allemand quelque part. Soulagé, je me suis détendu un moment et vers les 11 heures, une jeune femme de 25-30 ans est arrivée, est montée dans ma chambre, et a de nouveau placé mes vêtements sur le lit!

Elle a gentiment essayé de me sortir du lit mais je ne comprenais pas de quoi elle me parlait. J’ai de nouveau appelé Jeannette, et je lui ai demandé si elle comprenait de quoi il s’agissait.
Jeannette a interrogé la femme en Français mais cette femme était si excitée que Jeannette ne comprenait rien.
Elle m’expliqua qu’il semblait qu’elle me demande de venir avec elle. La femme aperçut alors un sac médical avec une croix rouge posé près de mes vêtements. elle le ramasse et dit qu’elle l’emmène avec moi si je me décide à bouger. Bien que le docteur m’ait demandé de me reposer et d’éviter de me lever, je me dis que si je pouvais faire quelque chose pour elle, je devais au moins essayer.
J’ai dit à Jeannette que j’allais suivre cette femme et je lui ai demandé d’appeler quelques français pour venir m’aider à marcher.
Elle a obéi et deux hommes sont montés et m’ont aidé à descendre l’escalier et à suivre la jeune femme un demi pâté de maison plus loin, jusqu’à un escalier en fer et à son appartement.

Il y avait là sa jeune fille de 4 ou 5 ans qui était tombée et qui s’était écorchée le genou. La blessure s’était infectée et oui, Maman avait raison, il fallait faire rapidement quelque chose. Je doute que j’aurais accepté de suivre cette femme si elle avait juste expliqué que sa fille s’était écorché le genou.

Ma mère avait été infirmière et je l’avais observée quant elle soignait mes propres genoux bien souvent écorchés. C’était du gâteau pour moi si je pouvais trouver un antiseptique dans le sac médical. Je n’avais jamais fouillé dans un sac de medic auparavant mais j’étais certain qu’il devait y avoir quelque chose. J’ai tout de suite trouvé du mythiolate dans un tube en forme de crayon, avec un petit schéma dessus qui expliquait comment briser le tube pour libérer le produit.

Il y avait aussi un peu de tissu blanc attaché au tube et je me demandais à quoi cela pouvait bien servir. Dès que j’ai eu brisé le tube en deux, le mythiolate s’est répandu sur le tissu, créant une compresse, exactement ce qu’il me fallait. J’ai nettoyé son genou et lui ai dit de garder cette compresse jusqu’au lendemain matin. Je suis sûr qu’elle n’a rien compris et je suis retourné au bistrot où Jeannette m’attendait et me dit qu’il était l’heure de mon massage…

Le jour suivant, j’étais toujours immobilisé au lit lorsqu’un officier de mon unité monte l’escalier comme un fou furieux et me demande de façon très brusque:

– « Nom, grade et numéro matricule? »

Je lui répond et il reprend:

– « Où se trouve l’officier blessé ? »

Je lui répond que je suis seul ici en haut.. Alors il commence à m’accuser d’avoir voulu me faire passer pour un officier
et il dit qu’il allait m’envoyer en cours martiale!

Lt Stott, I Co, chargé de récupérer
les troopers blessés à Seillans.
Stott sera tué à Manhay,
Battle of the Bulge – RIP

Je n’allais pas laisser passer ca. Je lui demande s’il parle le Français. Il répond que non…
Alors je lui explique qu’il doit y avoir un problème de compréhension de langue et que je n’arrivais pas à comprendre d’où venait cette histoire d’officier… Je lui explique que je n’avais aucun avantage à me faire passer pour un officier auprès de ces civils…
Alors il me répond bêtement que j’espèrais un meilleur traitement…
Je lui dis que même si j’avais été Eisenhower en personne, je n’aurais pas eu de meilleur traitement!
Il me répond que je n’allais pas m’en sortir comme ça et qu’il allait dire à Leo (le gérant du bistrot) de ne plus me nourrir jusqu’à qu’il en donne l’ordre.
Leo appelle sa fille Jeanette et lui demande ce qui se passe de si grave pour que cet officier pénalise un de ces compatriotes de la sorte ?
Jeanette monte et me demande ce qui se passe avec ce type ?
Ma réponse fut que ce type devait être fou et que je ne comprenais pas…

Jeanette a répondu: « Ne t’en fais pas, on te nourrira… »

Le lendemain, Jean (un des résistants) monta les escaliers, et j’ai alors eu besoin d’un interprète ; j’ai donc appelé Jeannette et elle est venue à moi. Je lui ai dit que Jean avait une importante information pour moi, pensais- je.

Il dit à Jeannette que les Allemands traversaient le pont et renforçaient le front avec des hommes et de matériel. Il me demanda si ce ne serait pas une bonne idée de faire péter le pont. J’ai dit « oui par tous les moyens et le plus tôt possible ».

Il est parti pour le faire. En descendant les escaliers, il est tombé sur le Liutenant Stott.

Stott me demande où il partait. Je lui ai répondu qu’il s’en allait faire exploser un pont que les Allemands utilisaient pour réapprovisionner le front.

Mon Dieu, Stott explose et me gueule dessus:

– « Tu n’as aucune autorité ici! C’est moi l’officier le plus gradé ici, tu piges! »

Je l’ai laissé gueuler.

– « Yes Sir, je comprends, mais hier, vous ne m’aviez pas dit si vous alliez revenir ni l’endroit où vous trouviez. Alors, comment suis je censé savoir ce qu’il faut faire?? Dites moi ce qui ne va pas dans ma décision. Si vous voulez vous rendre utile, rattrapez Jean et aidez le à faire sauter le pont! »

Et c’est ce qu’il a fait tout de suite.

C’était plutôt une bonne chose car les maquisards n’avaient pas de détonateur… Ils avaient des explosifs mais aucun moyen de les faire exploser. Stott a utilisé une grenade pour faire partir la charge.

En revenant avec un de leur camion, un des français tombu véhicule et se tue. A l’évidence, tout le village le connaissait et le lendemain il y eut lieu l’enterrement à l’église pratiquement en face du bistrot où je me trouvais.

A la surprise générale, un P-38 américain apparut et vit toute l’animation au village. Il déclencha un tir d’artillerie sue le village. Tous les gens dans l’église coururent vers leurs maisons. Les maquisards avaient volé une moto allemande; ils partirent à travers la montagne jusqu’aux lignes américaines pour leur dire d’arrêter le tir.
..
Au milieu de tout ce remue ménage, un parachutiste écossais apparut sur le pas de la porte de ma chambre et dit:

– « Hello Yank, que puis je faire pour toi? »

J’ai dit: « Aide moi à descendre les escaliers vers un coin plus protégé de la maison. »

Il m’a aidé et m’a conduit dans un coin de la cave où tout un mur était fait de tiroirs.

L’Ecossais a commencé à ouvrir les tiroirs et tombe de l’argent caché. J’ai pensé que cela appartenait à Leo et que c’était la recette du bistrot, qu’il avait enlevé de sa caisse de temps en temps et caché au cas où les allemands essaieraient de le voler.

L’ecossais a commencé à se remplir les poches avec cet argent. Je lui ai dit de ne pas voler ces gens si aimables. Sa réponse a été « Celui qui trouve garde, celui qui perd pleure! »

J’ai réfléchi à trouver une bonne raison pour qu’il rende l’argent. Je lui ai dit que si cette maison était bombardée et qu’on s’y faisait tuer, les Français viendraient chercher leur argent et nous trouveraient dans les décombres avec l’argent dans nos poches. Ils ne diraient à personne qu’on était là et on deviendrait MIA pour toujours, et que ses parents ne sauraient jamais ce qui lui était arrivé.

Cela lui a suffit et il a remis l’argent dans les tiroirs.

Le bombardement s’est arrêté et il m’a aidé à remonter dans ma chambre et Jeannette m’y attendait avec la meilleure nouvelle que j’ai jamais entendue; Le lendemain matin à 10 heures un camion allemand de prise allait venir me chercher et m’emmener, moi et « l’autre américain » (J’ignorais jusque la qu’un autre américain se trouvait dans le village) derrière les lignes et vers un hopital.

Et voilà, comme prévu, il est arrivé, sauf que les Français Libres avaient placé un grand drapeau sur le camion au bout d’un mât, et un de leurs hommes le brandissait afin que les tireurs isolés français ne nous tirent pas dessus.

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