Dans l’affaire de vol de l’inscription en métal «Arbeit macht frei» («le travail rend libre»), mesurant 5 mètres de long, et qui figurait au-dessus de la porte d’entrée du camp d’extermination d’Auschwitz ouvert par l’Allemagne nazie en 1940 en Pologne occupée.
Des néonazis suédois seraient les commanditaires du vol de l’inscription «Arbeit macht frei» («le travail rend libre») qui ornait l’entrée de l’ancien camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Si cinq Polonais ont été arrêtés le 21 décembre, trois jours après les faits, le cerveau serait toujours en liberté. En Suède, plus précisément.
Les médias suédois et polonais affirment qu’il s’agit du chef d’un groupuscule néonazi. Agé de 33 ans, celui-ci assure n’être qu’un «intermédiaire» au sein d’une opération bien plus large visant à financer, avec le profit de la vente à des collectionneurs de la célèbre pancarte, une série d’attentats contre des députés et le chef du gouvernement suédois.
Hier, le tabloïd polonais Fakt a révélé son nom : Anders Högström. Högström est le fondateur du Front national-socialiste, créé en 1994 et qu’il a dirigé pendant cinq ans avant une reconversion spectaculaire. Recruté par l’association Exit, qui vient en aide aux jeunes militants néonazis, il a pris sa carte au Parti social-démocrate puis a rejoint les rangs du Parti modéré, avant d’être condamné à plusieurs reprises ; dans des affaires de vol, notamment.
Associé. Selon le quotidien Gazeta Wyborcza, c’est en Suède qu’il a rencontré l’un des cinq Polonais inculpés pour le vol de l’inscription. L’homme, «un entrepreneur originaire de Czernikowo, un village du nord de la Pologne», a travaillé en Suède, il y a deux ans, pour le compte d’«une société appartenant à la famille d’Anders H.». Le Suédois, qui aurait commandité le vol, s’est ensuite rendu en Pologne. Boguslawa Marcinkowska, porte-parole du parquet de Cracovie, chargé de l’enquête, parle d’«une visite de repérage sur le site de l’ancien camp nazi effectuée en mars 2009 en compagnie de deux Polonais, qui ont depuis été placés en détention provisoire». Selon Gazeta Wyborcza, le contact d’Anders H., «qui ne voulait pas se salir les mains», a recruté quatre hommes originaires de sa région, tous condamnés pour vols. La voiture qui devait servir au transport de l’enseigne aurait été mise à leur disposition par un associé du Suédois, «un immigré originaire des Balkans qui vit en Suède».
Dans un entretien au tabloïd suédois Expressen paru hier, l’ex-leader néonazi affirme n’avoir été qu’un «intermédiaire». Il dit avoir aidé la police polonaise dans son enquête : «Je les ai contactés immédiatement et je leur ai donné toutes les informations dont je disposais. Je n’ai pas commis de crime. J’ai veillé à ce que l’inscription soit retrouvée.»
Mais, selon les enquêteurs polonais, l’homme a surtout paniqué face à l’émotion suscitée dans le monde par le vol. Le parquet de Cracovie a déposé une demande d’assistance auprès du ministère suédois de la Justice. Boguslawa Marcinkowska précise qu’elle vise à «confirmer l’identité» de deux résidents suédois et à «interroger une troisième personne en qualité de témoin». Côté suédois, on confirme qu’une requête a bien été enregistrée. «Elle est en cours d’examen», assure la procureur Sara Myredal.
Clandestin. La piste suédoise a été évoquée pour la première fois quelques jours seulement après le vol. Le 23 décembre, le tabloïd scandinave Aftonbladet publiait le témoignage de l’ancien leader d’un parti nazi, qui racontait être à l’origine de l’opération. Le même, vraisemblablement, qui s’exprimait hier dans les pages d’Expressen. Selon lui, l’argent de la vente de la pièce en fer forgé aurait permis d’organiser des attentats visant le Parlement suédois, le ministère des Affaires étrangères et le domicile du Premier ministre, Fredrik Reinfeldt. L’homme assure que l’opération a été montée par un groupe clandestin. «Mon rôle était d’établir un contact avec un acheteur.» Une personne qui aurait été prête à payer «plusieurs millions [de couronnes]». Le 24 décembre, le Service de la sûreté suédoise (Säpo) a révélé qu’il était au courant de ces menaces. «Nous en avions connaissance depuis un certain temps et nous avions pris des mesures pour obtenir davantage d’informations», confie le porte-parole de la Säpo, qui refuse de confirmer que la menace émane d’un groupuscule nazi.
«Il y a plusieurs années, la police a démantelé un groupe similaire qui voulait prendre le contrôle de la société», souligne Kenny Hjälte, journaliste au magazine Expo. La seule nouveauté, remarque-t-il, est le mode de financement de ces actions : «Avant, ils dévalisaient des banques ; maintenant, ils volent des objets de collection.»
En Suède, la mouvance nazie compte une quarantaine de groupes – «actifs mais divisés» – qui rassemblent autour de 3 000 personnes. En 1999, trois personnes ayant des liens avec ces organisations ont été condamnées pour le meurtre de deux policiers. Selon Kenny Hjälte, «il existe aussi des cellules qui travaillent dans le plus grand secret à préparer la révolution». L’homme qui témoigne dans Aftonbladet dit appartenir à un groupe qui compterait une dizaine de personnes.
Selon Expo, ces organisations sont responsables de 25 meurtres ces vingt-cinq dernières années. «C’est donc un mouvement violent mais qui n’a jamais menacé la démocratie, car il n’a réussi pour le moment à s’en prendre qu’à des individus isolés : des militants antiracistes, des journalistes, des policiers ou des homosexuels.»
Source: liberation